Le torrent

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      Le deuxième type d'expérience s'appelle "l'obtention" car on obtient pour la première fois des moments d'absence de pensées. La cascade aborde une pente moins escarpée et devient un torrent tumultueux qui se fraye un chemin au travers de gorges resserrées. L'impétuosité du courant s'est un peu adoucie, mais reste encore très marquée. Durant cette deuxième expérience, les pensées commencent à se mettre au repos. C'est l'expérience de la mise au repos des pensées. L'habitude à se concentrer s'étant renforcée, les pensées défilent à une allure plus modérée qu'auparavant. Toutefois leur vitesse est encore assez soutenue. On peut encore se sentir inextricablement pris dans le goulot des pensées. De temps à autres elles ralentissent nettement, s'arrêtent puis redémarrent vivement. Parfois s'élèvent des instants de clarté, parfois de félicité et parfois de non-pensée, mais rien n'est encore stabilisé.
      De même qu'on peut voir clairement les pierres blanches et noires qui tapissent le fond d'un torrent, on commence à distinguer avec précision dans ce courant de conscience ce qui est vertueux de ce qui ne l'est pas, c'est-à-dire ce qui est favorable au calme mental et ce qui va à son encontre.
      En prenant conscience que les pensées affaiblissent le tonus mental, on est moins enclin à les suivre et à les nourrir par l'intérêt qu'on y porte. Pour la première fois, on aspire au repos du mental. Cette fatigue due aux pensées est en fait l'état habituel de toute personne qui ne médite pas. Elle est la cause du manque de clarté qui imprègne l'esprit laissé dans son état ordinaire et nous maintient dans l'ignorance. L'état de veille ordinaire n'est pas un état de clarté car il est enveloppé d'un halo de torpeur due à la fatigue toujours présente issue de l'activité mentale.
      On commence à employer des antidotes à la torpeur et l'agitation. Au fur et à mesure de la diminution des défauts et de l'accroissement des qualités telles que la clarté, la stabilité et la concentration, le torrent impétueux se transforme en une rivière plus tranquille qui s'achemine vers le fleuve. La lutte entre les défauts et leurs antidotes s'estompe. Durant ces deux premières expériences (cascade et torrent), méditer était comme partir en guerre avec deux armées antagonistes, celle des qualités partisanes de la méditation et celle des défauts partisans de l'ignorance et de la paresse. Méditer était une tâche laborieuse et ingrate.
      Avec un effort persévérant, l'une des armées, celle de la vertu, est finalement victorieuse. Tout s'apaise.

                                                                                                              

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