le fleuve

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Nous avons déjà vu la première expérience comparable à une cascade, caractérisée par la mobilité et la reconnaissance des pensées et la seconde comparable à un torrent, caractérisée par l'obtention d'une première absence de pensées et la reconnaissance de la fatigue due aux pensées.

       La troisième étape s'appelle "l'habitude", car on s'est familiarisé avec les antidotes aux défauts et avec les qualités de la méditation. Ces dernières devenant plus stabilisées demandent moins d'effort pour être maintenues. La cascade tumultueuse devenue rivière plus paisible rejoint maintenant le cours d'un large fleuve. A l'instar d'un confluent de trois rivières, les pensées grossières qui surgissent tour à tour dans le courant de conscience peuvent se résumer à trois perturbations majeures : le désir, la colère et la stupidité. On peut aussi les nommer attraction, aversion et inertie mentale. Au fur et à mesure que l'esprit se clarifie, on reconnaît de mieux en mieux ces trois perturbations qui s'induisent les unes les autres sans interruption. Le désir apparaît. Non comblé, il induit la colère. La fatigue due à ces deux perturbations induit un temps de repos dépourvu de conscience claire et où plus rien ne se passe : la stupidité. Quand le tonus intérieur est restauré, un nouveau cycle recommence et ainsi de suite. En méditation les formes que prennent le désir et la colère peuvent être très subtiles. Par exemple vouloir avoir une bonne méditation, vouloir faire de bonnes expériences fait partie de l'attraction. Quand cela ne se produit pas, le doute s'installe (Est-ce que j'en suis capable ?). On peut se sentir déçu. Ce type de pensées fait partie de l'aversion. Espérer une bonne méditation et craindre de ne pouvoir y arriver produisent une tension, source de fatigue qui induit finalement la léthargie. C'est pourquoi il faut essayer de ne pas entrer dans un scénario "espoir et crainte". Lorsqu'on en est libre, on est capable de rester détendu.
      Avec un peu plus de pratique, l'esprit étant plus apaisé, l'expérience ressentie devient comparable au courant d'un large fleuve circulant lentement dans son lit d'alluvions. Vu de loin on a l'impression que le fleuve est immobile. De même le flux mental semble figé dans une concentration stable. Mais lorsqu'on s'approche d'un fleuve et qu'on regarde de près ses eaux, on constate qu'il coule doucement. De même dans l'esprit apaisé subsiste un certain mouvement. Les pensées se suivent lentement l'une après l'autre, puis apparaît un laps de temps sans aucune pensée. Puis elles repartent doucement. Elles ont moins de force et sont plus subtiles. Cette expérience est caractérisée par l'épuisement des pensées. Pour progresser, il faut maintenant rendre la conscience encore plus vigoureuse et alerte afin de combattre les défauts de la torpeur et de l'agitation dans leur niveau grossier (le fleuve à ses débuts), puis subtil (le fleuve à l'approche de l'estuaire).
      La suppression des défauts grossiers marque un tournant décisif. C'est l'accession à la cinquième étape, la maîtrise. A partir de ce moment-là, moins d'effort est nécessaire et, si l'on maintient un entraînement régulier, on est assuré d'arriver au terme du cheminement. Au fur et à mesure que les défauts diminuent, les états de clarté, de félicité et de non-pensées se stabilisent. Selon notre tempérament l'un de ces trois états peut prédominer. Arrivé à l'embouchure du fleuve, la méditation ne présente plus de difficulté et devient manifestement plus claire et plus stable.

                                                                 

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