L'unique saveur
Suite du chant de Milarèpa sur le mahamoudra :
« L'identité du samsara et du nirvana s'expérimente dans le Corps de Vérité,
dans lequel on ne différencie plus apparence et vacuité,
l'être ordinaire se fond en l'être éveillé (bouddha).
L'on aborde aux frontières de la saveur unique. »
Unique saveur est le nom de la troisième étape de la voie du mahamoudra, les deux premières étant l'unification et la simplicité. Cette dernière était caractérisée par la réalisation de la non-réalité du je, par la vision la nature absolue du sujet, le méditant. Durant la troisième étape cette vision initiale va s'étendre progressivement à tous les objets appréhendés par l'esprit. Quelles que soient les apparences phénoménales perçues, connaissant leur essence absolue, elles relèvent toutes d'une unique expérience dépourvue de dualité et de saisie. C'est ce qu'on appelle le goût unique ou l'unique saveur. Cette nature absolue est appelée Corps (dimension/état) de vérité ou Corps de Vacuité.
Lorsqu'on est immergé dans cette réalisation, l'expérience est 'une' en essence. Ainsi, par-delà leurs manifestations grossières, bonheurs et peines, pensée et non-pensée, samsara et nirvana se rejoignent en cette même expérience de l'ultime. Les êtres ordinaires dans la confusion et les êtres éveillés dans la réalisation possèdent cette même nature absolue au goût unique. Durant notre méditation, les manifestations de confusion ou celles d'éveil participent de cette même nature unique. L'éveil est dans l'éveil autant qu'il est dans la confusion.
Ceci est valable pour ceux qui sont dans la troisième étape du mahamoudra. Ce n'est pas valable pour ceux qui n'ont pas obtenu la vision initiale de la nature de l'esprit. A notre niveau d'êtres ordinaires encore soumis à l'ignorance et la confusion, nous devons nous exercer à découvrir l'essence absolue dans chaque expérience qui se présente. Pour un être dans l'ignorance ce serait une grave erreur, en s'appuyant sur la simple compréhension intellectuelle, de considérer que tout est pareil, donc que l'on peut accomplir indifféremment le bien comme le mal. Pour un méditant qui aspire à l'éveil, c'est un égarement de s'attarder à couper les cheveux en quatre avec le scalpel de l'intellect, continuer indéfiniment à chipoter sur les détails au lieu de concentrer ces efforts sur la réalisation de la nature absolue, car en connaissant cette seule chose on connaîtra toutes les autres. Tant qu'il n'y a pa de réalisation, c'est aussi une erreur de se complaire dans l'agitation et la torpeur sous prétexte que, de toutes façons, c'est en essence la même chose que l'état d'éveil.